Dans les années 1960, Miles Davis plonge dans l’inconnu. Fasciné par le rock psychédélique de Jimi Hendrix et le funk de Sly and the Family Stone, il commence à introduire des sonorités amplifiées dans sa musique. Mais c’est en 1969, avec l’album Bitches Brew, qu’il lance une révolution à proprement parler. Cet enregistrement, un double album labyrinthique, mêle jazz, rock, funk et musique électronique dans un gigantesque chaos organisé.
Enregistré en seulement trois jours, Bitches Brew s’écarte des structures conventionnelles et des thèmes linéaires. Les morceaux, improvisés en grande partie, sont retravaillés en post-production, une technique inspirée des pionniers de la musique électronique. La composition devient un collage, où chaque instrument semble jouer dans un univers parallèle, tout en restant intrinsèquement lié à l’ensemble. Le bassiste Michael Henderson, ancien collaborateur de Stevie Wonder, insuffle un groove implacable, tandis que Davis explore des textures sonores inédites avec sa trompette.
Bitches Brew est décrié à sa sortie par certains puristes du jazz, mais il rencontre un succès commercial phénoménal pour un album aussi expérimental : il devient le disque le plus vendu de Miles jusqu’alors, obtenant même un Grammy Award en 1971. Cet album marque l’acte de naissance du jazz fusion, un courant qui explosera dans les années 1970 avec des artistes comme Weather Report, Herbie Hancock et Mahavishnu Orchestra, tous influencés directement ou indirectement par Miles.