Tru Thoughts : Le laboratoire du jazz sans frontières
Brighton, côte sud anglaise, la mer qui bat les pavés, et dans l’air… une énergie irrésistible. C’est là, au cœur des années 90, que jaillit une idée folle : raconter le jazz à sa fa...
11 juin 2025
Parfois, il suffit d’une salle minuscule, de quelques passionnés et d’une pincée d’audace pour changer tout un écosystème musical. Jazz re:freshed, c’est avant tout une idée simple née en 2003 dans le quartier de Ladbroke Grove : redonner au jazz son énergie, sa fraîcheur et surtout sa diversité. Quelques flyers, un peu d’huile de coude, et l’envie commune de rendre cette musique aussi vivante que ses origines. Très vite, la formule explose : on s’y bouscule chaque jeudi soir, pour écouter du jazz différent, réinventé par des jeunes artistes généralement issus de la diaspora africaine ou caribéenne. Loin des clichés poussiéreux, la scène de Jazz re:freshed pulse, groove, mélange hip-hop, broken beat et sons électroniques.
Mais quel est le secret de Jazz re:freshed pour transformer des talents en étoiles filantes – puis en étoiles tout court ? Pour saisir l’ampleur de leur action, il faut regarder plus loin que les clubs et les vinyles : il s’agit d’un vrai incubateur, d’une plateforme qui façonne le futur du jazz britannique et mondial.
L’histoire du jazz britannique contemporain porte la signature Jazz re:freshed dès ses fondations. Le collectif, créé par Justin McKenzie et Adam Moses, ne s’est jamais contenté d’une seule formule :
Ce dispositif, composé de moyens modestes mais d’une énergie redoutable, a permis de renverser la table et de bousculer un secteur parfois élitiste. Là où d’autres scènes tendaient à n’offrir qu’une place en bout de table aux artistes afro-descendants, Jazz re:freshed a construit la sienne autour d’eux.
Il suffit de s’attarder un moment sur les artistes propulsés par Jazz re:freshed pour comprendre l’ampleur du phénomène :
Le constat est net : plus de 70% des artistes produits ou repérés par Jazz re:freshed lors de la première décennie 2003-2013 sont issus des diasporas noire britannique, africaine ou caribéenne (source : Southbank Centre). Un schéma quasi inédit à l’époque, qui contraste alors fortement avec la sous-représentation des artistes racisés sur les scènes jazz institutionnelles de Londres.
La force de Jazz re:freshed réside dans son engagement à toutes les étapes de la vie artistique :
Jazz re:freshed, ce n’est pas qu’une question de sons ou de chiffres. C’est la naissance d’un nouveau récit, d’une esthétique qui puise dans les racines afro-descendantes pour recomposer le jazz du XXIe siècle. On retrouve sous ses auspices une immense diversité :
On note aussi la convergence de mouvements : nombre d’artistes Jazz re:freshed sont aussi actifs chez Steam Down, Total Refreshment Centre, ou au sein de collectifs féminins tel que Nérija. Le mouvement ne connaît pas de frontières fixes.
Au-delà des têtes d’affiche, le collectif s’est engagé dans la transmission. Son projet Re:present, soutenu par le British Council, a permis à de jeunes musiciens de partir en tournée au Texas (SXSW) dans des conditions professionnelles, d’enregistrer en studio et de rencontrer la diaspora à l’international.
Parallèlement, Jazz re:freshed multiplie les collaborations avec des écoles, des collectifs jeunesse et des lieux alternatifs. Un objectif : faire du jazz un enjeu d’appropriation culturelle, rebattre les cartes pour la génération TikTok et Soundcloud, loin des carcans et du “conservatisme musical” dénoncé par Adam Moses, le co-fondateur (The Independent).
Jazz re:freshed n’est ni musée, ni mode — c’est un mouvement. En offrant un espace, des outils, des connexions et une visibilité à des artistes trop longtemps minés par l’invisibilisation, il a changé le visage du jazz britannique et influencé les circuits mondiaux.
Aujourd’hui, ce sont les ponts transatlantiques qu’on rebâtit, de Londres à Lagos, de Brixton à Brooklyn, traversant les genres, les générations, les langues. Le jazz, cette odyssée migratoire, (re)trouve grâce à Jazz re:freshed une beauté plurielle, rêche, vibrante.
Treize notes et mille histoires : quand la diaspora écrit la bande-son d’un nouveau monde, Jazz re:freshed allume la mèche. Qui sait où explosera la prochaine étincelle ?