Le terme “producteur” recouvre des réalités multiples. Dans le jazz classique, la légende Alfred Lion (Blue Note), faiseur de miracles, signait ses interventions par des silences bien placés et un flair à repérer le “premier take” historique. Mais à l’ère de l’électronique et de l’hybridation globale, le producteur joue volontiers les rôles de :
- Conseiller artistique : il aiguise l’intention de l’album, convoque la mémoire du jazz passé et les ambitions du présent. Quincy Jones, sur Back on the Block (1989), est célèbre pour avoir suggéré l’intégration du rap à côté de Dizzy Gillespie.
- Véritable co-compositeur : à la manière de Floating Points, compagnon cosmique de Pharoah Sanders pour Promises (2021), construit avec lui un langage inédit, où le synthétiseur devient l’égal du saxophone.
- Architecte de l’expérience sonore : Mark de Clive-Lowe en est un exemple frappant — pianiste, beatmaker et producteur tout à la fois sur ses propres disques (voir Heritage, 2019), il décide du moindre effet, du placement vocal, du chaos contrôlé de l’électronique.
La frontière est poreuse : parfois, le producteur “officiel” chapeaute toute la session, parfois c’est un membre du groupe, souvent musicien lui-même. Ce travail de l’ombre a été mis à l’honneur par la BBC et Pitchfork, qui rappellent combien, dans la nouvelle scène londonienne (Yussef Dayes, Kamaal Williams), la production et le jeu instrumental s’entremêlent [source Pitchfork].