Impossible de comprendre Ill Considered sans s'intéresser à leur terre d'origine : la scène jazz londonienne, qui ces dernières années, vibre avec une énergie nouvelle. Portée par des artistes comme Nubya Garcia, Shabaka Hutchings ou Theon Cross, cette scène mêle cultures, genres et traditions avec une aisance déconcertante, favorisant des dialogues entre afrobeat, grime, dub et jazz.
Avec ses clubs légendaires comme le Ronnie Scott’s ou le Church of Sound, Londres a offert un environnement propice à des initiatives aussi audacieuses qu’Ill Considered. Mais ce collectif, loin de chercher à plaire à une audience élitiste, frappe directement là où les émotions s’expriment. Inspirés par leurs expériences urbaines, par la diversité des quartiers londoniens et les tensions de leur époque, ils offrent une musique qui parle autant au corps qu’à l’âme. Ill Considered est, en quelque sorte, le miroir d’une ville en ébullition constante.
Une esthétique du brut et de la fusion
Ce qui distingue Ill Considered de nombreux autres projets contemporains, c’est leur capacité à naviguer entre force primalité et sophistication discrète. Bien que leur formule soit essentiellement improvisée, on y retrouve des échos d’influences multiples :
- Un groove terreux et répétitif qui rappelle le krautrock de Can ou les rythmes hypnotiques des musiques gnawa d'Afrique du Nord.
- Une liberté mélodique qui évoque les envolées du free jazz, à la Ornette Coleman ou Albert Ayler.
- Des textures sonores influencées par le dub jamaïcain, mêlant réverbérations et atmosphères immersives.
Parfois proche de la transe, leur musique peut aussi se faire méditative, voire introspective. Cette dualité, entre explosion et recueillement, est l’une des marques de fabrique du groupe. Leur album “Ill Considered 3”, par exemple, alterne entre des rythmes explosifs de batterie et des lignes de saxophone langoureuses qui touchent à l’âme. Et sur “Liminal Space”, leur dernier opus sorti en 2022, on sent une maturité nouvelle : les compositions semblent mieux canaliser l’imprévisible, sans sacrifier à leur ADN originel.